« À propos de l’anarcho-syndicalisme » par Esmeralda et JM

Cet article a été écrit à l’origine en anglais pour un public nord-américain dans le Anarchist Union Journal. Il faut savoir qu’en anglais, les termes ‘’syndicalism’’ et ‘’anarcho-syndicalism’’ sont souvent des synonymes, interchangeables, alors qu’en français on traduit plutôt ‘’syndicalism’’ par ‘’syndicalisme révolutionnaire’’. C’est donc plus facile en français de distinguer les deux termes. Dans le texte suivant, le mot ‘’syndicalism’’ est donc traduit par ‘’syndicalisme révolutionnaire’’.

Photo par Jordi Gili, 23 avril 2023
La Rosa de Foc est une librairie située à Barcelone.
Elle est proche de la CNT-AIT.

Qu’est-ce que l’anarchisme?

La liberté n’est possible que dans une société libre sans institutions sociales oppressives, telles que l’État et le capitalisme. Pour la plupart des anarchistes, cette société libre doit être une société communiste libertaire.

Mais pourquoi y a-t-il autant de tendances au sein de l’anarchisme ? Il y a par exemple les anarcho-syndicalistes, les néoplatformistes/l’especifismo, les individualistes, les insurrectionnalistes, les post-anarchistes, les anti-spécistes, etc. L’anarchisme peut sembler assez désordonné, voire même contradictoire parfois !

Qu’est-ce qui se cache derrière les différentes étiquettes de l’anarchisme ?

Ces différents types d’étiquettes anarchistes s’expliquent principalement par leurs différents discours et leurs différentes approches organisationnelles.

De quel discours s’agit-il ? Il suffit de se demander « Quelles sont les causes des inégalités et des oppressions ? »

Quelle est l’approche organisationnelle ? Il suffit de se demander « Quelles tactiques et organisations doivent être utilisées, ou non utilisées, et construites, ou non construites, afin de parvenir à une société libre ».

Quel est le discours anarcho-syndicaliste?

Le discours de l’anarcho-syndicalisme est que l’exploitation et l’oppression ont différents visages et niveaux. Les plus importants sont structurels au niveau de la société. Les inégalités et les oppressions subsisteront tant que notre société restera dans ces relations de pouvoir et ces hiérarchies structurelles. Les groupes les plus puissants de la société tirent leur pouvoir du capitalisme et de l’État, car ce sont les institutions les plus fortes qui maintiennent les structures de pouvoir et le statu quo.

Quelle est l’approche organisationnelle de l’anarcho-syndicalisme?

L’approche organisationnelle anarcho-syndicaliste consiste à s’impliquer dans un syndicat anarcho-syndicaliste ou à en construire un s’il n’y en a pas dans son milieu. Ces organisations sont basées sur la classe, ce qui signifie qu’elles sont ouvertes à tous les travailleurs, mais fonctionnent selon les principes anarcho-syndicalistes. La fédération anarcho-syndicaliste est composée à la fois de groupes communautaires de la classe ouvrière et de syndicats formés dans un milieu de travail.

Vous pourriez répondre qu’il s’agit alors de « syndicalisme révolutionnaire ».

En effet, certaines personnes utilisent les mots « syndicalisme révolutionnaire »[ou  »syndicalism » en anglais] et « anarcho-syndicalisme » comme s’il s’agissait de la même chose. Nous pensons au contraire que ces termes ne sont pas interchangeables de nos jours.

Qu’est-ce que le syndicalisme révolutionnaire?

Le mot anglais « syndicalism » vient du français « syndicalisme ». Il a été adopté dans les pays anglo-saxons en référence directe à la Confédération Générale du Travail (CGT) de France. En effet, la CGT (un syndicat) était alors célèbre pour son « syndicalisme révolutionnaire » pendant son époque glorieuse, autour de 1900. À cette époque, le syndicalisme d’action directe était basé sur la Charte d’Amiens dans laquelle les anarchistes avaient fait des compromis politiques afin d’établir une ligne commune avec les socialistes.

Selon cette charte, les syndicats sont associés entre eux par type d’industrie. Le syndicat industriel sera la structure qui remplacera le capitalisme. La charte stipule que les partis politiques sont légitimes, mais doivent garder leur influence en dehors du syndicat.

À l’époque, les socialistes et les anarchistes pouvaient être « syndicalistes révolutionnaires ». Les soi-disant « communistes » (alias les bolcheviks) étaient également des syndicalistes révolutionnaires. Le syndicalisme révolutionnaire actuel demeure encore un mélange de marxisme et d’anarchisme comme il l’était en 1905, c’est-à-dire basé sur l’apolitisme, la lutte de la classe ouvrière, l’action directe, l’autonomie de la classe ouvrière, le fédéralisme… et affirmant un projet révolutionnaire flou.

Qu’est-ce que l’anarcho-syndicalisme?

Nous devons le mot ‘’anarcho-syndicalisme’’ à Sam Mainwaring qui vivait en Angleterre dans les années 1890. Peu de temps après en 1907, en Russie, ce mot est également apparu dans les écrits d’un auteur ouvrier appelé Novomirsky. À l’époque, il n’était pas utilisé pour parler d’un mouvement, mais pour désigner des anarchistes qui s’engageaient à titre individuel dans des syndicats. L’anarcho-syndicalisme en tant que mouvement est né d’une scission au sein du mouvement syndicaliste révolutionnaire à la suite de la mainmise des bolcheviks sur la révolution russe. Les syndicalistes révolutionnaires pro-Moscou, qui ont finalement été absorbés par le parti communiste, méprisaient les autres syndicalistes révolutionnaires, en les appelant avec mépris « anarcho-syndicalistes ». Les syndicalistes révolutionnaires qui s’opposaient à l’Internationale Syndicale Rouge (ISR) de Moscou ont fondé en 1922 l’Association Internationale des Travailleurs (AIT), qui existe encore aujourd’hui.

La charte de l’AIT, rédigée à l’origine par Rudolf Rocker, peut être considérée comme un texte fondamental de l’anarcho-syndicalisme.

L’AIT a quand même maintenu dans sa charte le terme « syndicalisme révolutionnaire » jusqu’en 2022, l’année où son congrès a décidé de le remplacer par « anarcho-syndicalisme ».

Un autre texte fondamental est la « Charte de Paris », rédigée par la Confédération Nationale du Travail (CNT) de France en 1946. Cette charte peut être considérée comme une mise à jour sans concession de la « Charte d’Amiens », car les syndicats s’opposent désormais à tout parti politique et de promouvoir plutôt la « marche vers le communisme libre ».

Ramener  l’ ‘’anarcho’’ dans l’anarcho-syndicalisme

Comme on peut le lire dans les statuts de l’AIT et dans la Charte de Paris, les organisations anarcho-syndicalistes se distinguent du syndicalisme révolutionnaire par  :

1) l’opposition face à tout parti politique et la promotion active du communisme anarchiste au sein de la classe ouvrière

2) le rejet de toute collaboration et participation avec des organisations faussement « révolutionnaires », tels que les États  »transitoires » ou autres organisations réformistes ou autoritaires

3) le refus de toute forme de centralisation, donc souvent le rejet aussi du rôle central des syndicats et de l’industrie dans la société actuelle et future (Guinchard, 2014).

Construire un mouvement et une organisation anarcho-syndicaliste aux États-Unis et au Canada représentera une amélioration pour notre activisme social et pour notre mouvement. Avec sa structure fédéraliste, l’AIT permet à tous les syndicats du monde de demeurer égaux, car son congrès n’est pas régi par un système de vote proportionnel. Faire partie de l’AIT, c’est être en contact direct et en solidarité avec des groupes d’Asie, d’Amérique du Sud et d’Europe. Tous les groupes de l’AIT sont intéressés par la diffusion d’idées communistes libertaires et par l’organisation des luttes ouvrières. Les dynamiques entre groupes permettent aussi le partage de ressources communes, d’expériences concrètes d’action directe et de stratégie. Si vous souhaitez savoir comment participer à la construction de groupes affiliés à l’AIT aux États-Unis et au Canada, vous pouvez contacter le ‘’Journal anarcho-syndicaliste’’.

Référence:

Guinchard, F. (2014). The Birth of an International Anarcho-syndicalist Current. Workers of the World, 4, 150-171.

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